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Que se passe-t-il pour un dirigeant adepte du management par la confiance quand, ayant déjà vécu ailleurs l’entreprise libérée, il arrive à la tête d’une nouvelle organisation ?

Cet article est tiré du témoignage de Laurent Jaladeau, directeur de la Carsat Bretagne depuis 2018 et ancien directeur de la CPAM de l’Aude. J’ai assisté à son témoignage le 25 mars 2022 lors de la Journée des Organisations Positives.

Transformation managériale : et de une…

Ce qui a retenu mon attention, c’est que Laurent Jaladeau est un “récidiviste” de la transformation managériale. Or, rencontrer un dirigeant ayant déjà transformé plusieurs entreprises différentes est encore plutôt rare.

Entre 2015 et 2018, Laurent Jaladeau avait déjà insufflé une démarche de transformation profonde à la CPAM de l’Aude. Pour cela, il avait misé très concrètement sur la bienveillance, la confiance et l’autonomie. 

La CPAM de l’Aude avait parcouru un chemin épatant grâce à l’émergence d’un nouvel état d’esprit. De nouvelles postures et compétences avaient été adoptées et des pratiques audacieuses mises en place. Par exemple, la gestion des budgets de fonctionnement et d’investissement a été prise en main par un groupe de salariés volontaires. Le recrutement par les pairs a été mis en place. Le Codir a été ouvert aux salariés. Un baromètre interne a été mis en oeuvre. Au sein de chaque service, un groupe sociocratique a pu attribuer des mesures salariales.

A la clef, le maintien de très bonnes performances du point de vue métier, un bien meilleur climat social et la multiplication d’innovations partagées.

Transformation managériale : …et de deux !

Fin 2018, Laurent Jaladeau est arrivé à la tête de la Carsat Bretagne. Il a donc déménagé depuis la région de Carcassonne vers celle de Rennes.

Comme il le dit, il est arrivé avec une “carte mentale” relationnelle et organisationnelle. Elle pourrait se résumer à l’équation fondamentale : “confiance + autonomie = initiative”. Laurent Jaladeau avait aussi d’ores et déjà beaucoup fait évoluer sa propre posture et “purgé [son] ego”.

C’est alors la découverte d’une Carsat qui a de bons résultats mais qui fonctionne en silos, avec une forte culture hiérarchique et juridique. Ce modèle est-il encore pérenne ? Comment soutenir au mieux chacun : salariés, assurés ? Le constat de la nécessité d’évoluer est partagé avec l’ensemble du management.

Sur ce nouveau territoire, Laurent Jaladeau se fonde notamment sur la carte qu’il détient… et éprouve le décalage possible entre les deux.

“A mon arrivée, je partage avec mes équipes ce que j’ai appris dans ma vie en général et ma vision du management. Je leur parle d’équipes autonomes, de managers qui sont là pour faire grandir les collaborateurs, le tout marchant grâce à beaucoup d’interactions. Le comprennent-ils totalement ?”

Ce qui ne l’empêche pas d’entamer un nouveau chemin par un travail de fond sur le fonctionnement du Codir. Objectif : “avoir confiance en nous et transformer nos irritants en complémentarités”.

Une transformation par essais-erreurs-ajustements : chaque organisation est unique

Lors de son retour d’expérience, Laurent Jaladeau a partagé une bonne dizaine d’actions menées jusqu’ici pour transformer le management de la Carsat Bretagne. Il les a placées dans une matrice intérêt/maîtrise pour l’entité.

Bilan : il y a des tops et des flops. Des projets s’avèrent transformatifs, par exemple un important accord sur le télétravail laissant la main à chaque équipe pour s’organiser. D’autres n’ont pas réellement pris, pour diverses raisons. L’une d’elles étant, c’est intéressant, le poids du terreau culturel régional, au-delà de l’entreprise elle-même.

En effet, Laurent Jaladeau s’aperçoit par exemple tardivement qu’un baromètre interne du moral des équipes, qu’il a voulu imaginé par des volontaires, met une partie des managers mal à l’aise. “Sur cette terre catholique, il y a une culture taiseuse où chacun se débrouille avec ses problèmes, alors que je viens pour ma part d’une culture où l’on parle beaucoup et où l’on travaille ensemble”.

Un exemple qui illustre bien le cheminement apprenant d’un leader riche d’années d’expérience du changement individuel et collectif. Il continue de débusquer au fil de l’eau les modèles mentaux qui peuvent lui être favorables ou non selon les circonstances.

A l’heure actuelle, la Carsat Bretagne vit une réelle transformation, mais celle-ci n’est pas encore “perçue ni comprise comme un tout” d’après le directeur. Les priorités de Laurent Jaladeau sont le sens, le rythme et intensifier l’accompagnement au contact direct des équipes, en plus des managers.

6 apprentissages clés pour réitérer une transformation

Je retire de ce témoignage au moins 6 facteurs de succès à l’attention de leaders ayant déjà transformé une organisation et qui recommencent dans un nouveau contexte :

  1. Capitaliser sur les acquis qui représentent un bagage essentiel. Je pense notamment au travail sur soi et aux compétences émotionnelles du dirigeant (précieuses pour faire preuve d’empathie avec ses nouveaux interlocuteurs).
  2. Avoir compris que l’exemplarité des dirigeants est essentielle pour une transformation crédible. S’atteler dès le départ à faire du Codir une vraie belle équipe, source de bien-être et de performance.
  3. Saisir le juste rythme de transformation propre à cette nouvelle organisation que l’on rejoint. Accepter parfois de ralentir pour mieux repartir.
  4. Tenir compte du territoire au sens propre. Dans un même type d’organisation, face au même type de démarche, selon la situation géographique (ville ou campagne, histoire et culture de la région) couplée à d’autres facteurs bien sûr, les comportements peuvent beaucoup varier. Les mentalités et les rapports humains ont effectivement une couleur différente entre l’Occitanie et la Bretagne.
  5. Pour transposer une méthode déjà vécue ailleurs, se donner les moyens de l’adapter à la culture, à la maturité et à la singularité de l’entreprise.
  6. Comme Laurent Jaladeau, rester un perpétuel apprenant : se questionner, prendre du recul sur son action, développer sa vision systémique, exprimer ce qui a bien marché ou moins bien marché et s’en servir pour avancer, rester curieux, optimiste et ouvert sur l’extérieur.

Merci à Laurent Jaladeau pour sa générosité et son humilité lors de ce témoignage.

Et vous, connaissez-vous des leaders qui ont « libéré » plusieurs entreprises à la suite ? Que pensez-vous de ces apprentissages ?

Feuilles Vertes

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